Archives mensuelles : décembre 2010

Le 25 novembre, Nicolas Sarkozy est dans l’Allier, au chevet du monde agricole. Depuis la défaite de la majorité aux élections régionales, huit mois plus tôt, le chef de l’Etat multiplie les déplacements en milieu rural. La visite d’une exploitation agricole d’Isserpent, suivie d’une table-ronde organisée avec des agriculteurs au Mayet-de-Montagne, se déroule sans accroc. Le président passe en revue une troupe de charolaises impassibles, serre quelques mains et conclut en promettant de « protéger la ruralité ».

Rien à voir avec l’ambiance hostile qui avait accompagné les déplacements présidentiels à Sandouville (Seine-Maritime), en octobre 2008, à Châtellerault (Vienne), en mars 2009, ou encore à Saint-Lô (Manche), le 12 janvier 2009. Cette dernière visite, émaillée de heurts entre policiers et manifestants, avait provoqué l’ire de M. Sarkozy et entraîné les mutations du préfet de la Manche et du directeur départemental de la sécurité publique.

Un précédent suffisamment marquant pour mettre les forces de l’ordre de l’Allier sur les dents : au Mayet-de-Montagne, une commune de moins de 2 000 habitants, 300 à 400 représentants de la force publique sont mobilisés. Face à eux, un petit groupe d’une quinzaine de personnes a prévu de manifester son hostilité au chef de l’Etat et à la réforme des retraites. L’un d’eux n’en aura pas l’occasion : Frédéric Le Marrec, un militant du syndicat SUD de 42 ans, passera les cinq heures de la visite de Nicolas Sarkozy dans les locaux de la gendarmerie.

Son récit au Monde.fr est confirmé par des sources proches de la gendarmerie, qui ont souhaité rester anonymes mais entendent dénoncer « des méthodes d’un autre âge ». Frédéric Le Marrec a par ailleurs porté plainte contre X… pour « arrestation arbitraire », le 6 décembre, auprès du commissariat de Vichy, qui dément avoir enregistré une telle plainte.

« LES GENDARMES N’AVAIENT PAS GRAND-CHOSE À ME DIRE »

Educateur spécialisé dans un foyer pour adolescents du Mayet-de-Montagne, Frédéric Le Marrec prend son poste à 6 h 30, ce 25 novembre. A 9 h 30, il quitte le foyer en compagnie d’un autre militant pour rejoindre ses amis manifestants. Devant son lieu de travail, deux gendarmes l’attendent, qui le prient de les accompagner à la gendarmerie. Là, il est interrogé par deux fonctionnaires venus de Moulins au sujet d’un collage d’affiches en faveur du Nouveau Parti anticapitaliste, la nuit précédente. D’ordinaire, explique un policier consulté à ce sujet, « ce genre de dossiers, qui débouche au pire sur une contravention, est traité en moins d’une demi-heure ».

Très vite, une fois réglée cette affaire de collage, « les gendarmes n’avaient plus grand-chose à me dire, raconte Frédéric Le Marrec. Et comme je n’étais pas officiellement en garde à vue, j’ai voulu m’en aller. Lorsque j’ai commencé à rassembler mes affaires, ils m’ont dit : ‘On vous déconseille de partir’ ». Voulant « éviter tout incident », le militant prend son mal en patience. Au bout d’un moment, il reçoit cette mystérieuse confidence : « Le préfet vous en veut. » Peu après 14 heures, Frédéric Le Marrec quitte la gendarmerie. L’hélicoptère de Nicolas Sarkozy a décollé quelques minutes auparavant.

« SI À 9 H 30 IL VA PISSER, IL FAUT QUE JE LE SACHE »

D’après les témoignages des sources proches de la gendarmerie obtenues par Le Monde.fr, il semble bien que le préfet de l’Allier, Pierre Monzani, ait joué un rôle dans ce dossier. Le 24 novembre, lors de la réunion organisée avec les responsables de la sécurité pour préparer la venue du chef de l’Etat, le préfet cite nommément Frédéric Le Marrec : « Si à 9 h 30 il va pisser, il faut que je le sache », lance ce proche de Brice Hortefeux. Une consigne apparemment prise très au sérieux par les gendarmes.

Selon ces sources, le militant est connu localement : « Il est grand, il porte toujours un bonnet, c’est une figure du Mayet-de-Montagne. Il a activement participé au conflit sur les retraites, prenant part à des blocages et des tentatives de blocage de dépôts d’essence et à un tractage sur des rails. » Rien qui justifie ces longues heures d’une rétention « extrêmement limite au niveau de la légalité : Le Marrec n’est pas connu comme quelqu’un de violent, ses actions ont toujours été mesurées sur Le Mayet-de-Montagne. Apparemment, on a juste désigné cet homme comme un fauteur de troubles potentiel et on s’est occupé de lui de façon préventive ».

Le préfet dément avoir évoqué le cas de Frédéric Le Marrec lors de cette réunion préparatoire : « Je ne connais pas ce monsieur. De façon générale, ce serait contre-productif de désigner une cible particulière à mes troupes, puisque celles-ci doivent se concentrer sur tous les dangers potentiels. » Selon lui, le militant « veut se faire de la publicité dans le milieu syndicaliste » et a été particulièrement bien traité pendant sa rétention à la gendarmerie : « Le café que lui ont servi les gendarmes devait être bon pour qu’il s’attarde autant à la gendarmerie. » La plainte a été transmise au procureur de la République.

Benoît Vitkine

Source Le Monde.fr

L’affaire Bettencourt était un bidonnage permettant de négocier en douce la finance et les places. Un sacré culot : quand ils ont du fric, ils se croient tout permis, et j’espère bien que les juges ne vont pas lâcher l’affaire.

L’accord est général : Patrice de Maistre, gérant des actifs de Liliane Bettencourt, est évincé de la holding familiale Téthys et il est remplacé par l’époux de Françoise Meyers, Jean-Pierre Meyers, qui en devient directeur général. Les deux enfants du couple sont nommés au conseil de surveillance de la holding. François Marie Banier garde l’essentiel des donations et avantages, la fille arrête de tarabuster la mère, et toutes les procédures prennent fin.

Les flics sont priés de retourner aux affaires courantes et les juges invités à passer à autre chose. S’il reste des récalcitrants, Paris Match publiera la photo de la famille le soir de Noël devant un sapin décoré de petits angelots.

Un double jeu parfait. D’un côté, les avocats en robe, tels des papys impénitents, s’excitent au tribunal jusqu’à la limite de la castagne, avec un représentant du barreau prêt à intervenir à côté des infirmières de la Croix Rouge. D’un autre, des experts de la négociation discutent dans le calme et alignent les chiffres.

Qu’un contentieux vif, voire virulent, se termine par une transaction, c’est presque banal. Je salue le talent des avocats qui ont su poser les termes du conflit et le résoudre si bien : du bon boulot.

Tout le problème est que les adversaires du clan n’avaient pas saisi le juge civil, instruisant eux-mêmes leur affaire, mais le juge pénal, en charge de l’intérêt général.

Une affaire pénale, et des plus importantes : s’en était suivi une bataille rangée au tribunal de grande instance de Nanterre entre le procureur la République et l’une des magistrats, présidente de la chambre correctionnelle. Un conflit amenant le procureur général à saisir la Cour de cassation, qui a dessaisi les magistrats pour transférer le dossier à l’instruction de Bordeaux. Et les flics qui ont fait un travail impressionnant comme dans toutes ces affaires financières.

La liste des infractions pénales en cours d’enquête est impressionnante : violation de la vie privée pour les écoutes, violation du secret professionnel pour l’information des journalistes, surveillance illégales des communications téléphoniques, abus de faiblesse de Banier vis-à-vis de Mamy, violences morales reprochées à la fille, financement illégal de la vie politique, trafic d’influence et blanchiment pour l’embauche de Madame Woerth et les décorations, escroquerie pour le montage financier de l’Île d’Arros, et fraude fiscale, outrage à magistrat par l’impayable Kiejman… Sans oublier la demande de mise sous tutelle.

Et hop, fin du film : « Maman et moi, on s’adore ; elle est géniale et super-gestionnaire », et tous ceux qui ont travaillé sur ces dossiers sont priés de passer à autre chose. Le clan veut imposer la fin de la séquence « justice » dès lorsque le mari de la fille est devenu gestionnaire, que les rejetons ont trouvé une place au conseil d’administration, que Banier a gardé ses sous, que de Maistre a été recasé, que Mamy garde son île et peut partir en week end sans se retrouver avec une perquisition à la maison.

Les déclarations d’hier soir, c’était assez hallucinant : le monde de la justice congédié comme un majordome un peu trop remuant. J’espère bien que la justice pénale, qui œuvre dans l’intérêt général, poursuivra son travail d’assainissement, lequel parait encore plus nécessaire depuis cet accord.

Une scène touchante : la famille Bettencourt enfin réunie

(Loup, Le prestidigitateur)

Source : http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2010/12/07/bettencourt-l-art-et-la-maniere-de-manipuler-la-justice.html

Besson est un indécrottable pitre. Le grand timonier de l’Identité nationale reprend son air martial à la gomme pour dire qu’il va expulser WikiLeaks. Le plus célèbre réfugié politique de l’UMP a pris les habits d’Anastasie.

C’est la bonne veille censure, à la chinoise ! A Pékin, tout est sous contrôle, et pas une trace de WikiLeaks. Notre gouvernement moderne adopte le discours chinois sur la liberté d’expression, ce qui permet d’éclaircir un point d’histoire. Sarko a bien parlé droits de l’homme lors de son repas de une heure avec Hu Jintao au restaurant La Petite Maison à Nice,… et Hu Jintao l’a convaincu.

La censure, c’est çà : « La France ne peut héberger des sites internet qui violent ainsi le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique. Elle ne peut héberger les sites internet qualifiés de criminels et rejetés par d’autres Etats en raison des atteintes qu’ils portent à leurs droits fondamentaux ».

Admettons que le recyclé de l’Identité nationale estime qu’il y a abus. Que faire ? Eh, bien saisir le juge, car il n’y a pas de liberté sans limite.

Un pilier, l’article 10

Il veut un texte, le converti au sarkozysme ? En voici un qu’il n’aime pas trop, un texte casseur de statistiques, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et en particulier son article 10, relatif à la liberté d’expression.

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

« 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

Ce qui montre au passage que ce texte européen, si décrié par les ennemis des libertés, est tout en équilibre.

La jurisprudence comme à la maison

A partir de ce texte, la CEDH a élaboré sa jurisprudence (CEDH, Castells c. Espagne, 23 avril 1992 ; Fressoz et Roire c. France, no 29183/95, § 45 ; Ceylan c. Turquie, no 23556/94).

La liberté d’expression, l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, vaut pour les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent. La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976).

Cette liberté ne peut être limitée que pour « besoin social impérieux ».

Une condamnation s’analyse en une « ingérence » dans l’exercice par l’intéressé de sa liberté d’expression, ce que reconnaît le Gouvernement. Pareille immixtion enfreint l’article 10, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire » dans une société démocratique pour les atteindre (Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986 ; Jerusalem c. Autriche, no 26958/95). Pour ce faire, la Cour EDH considère l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France, nos 21279/02 et 36448/02).

L’article 10 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général.

L’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général (Wingrove c. Royaume-Uni, 25 novembre 1996 ; Scharsach et News Verlagsgesellschaft c. Autriche, no 39394/98).

De plus, les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard du gouvernement que d’un simple particulier, ou même d’un homme politique. Dans un système démocratique, les actions ou omissions du gouvernement doivent se trouver placées sous le contrôle attentif, non seulement des pouvoirs législatif et judiciaire, mais aussi de l’opinion publique (Incal c. Turquie, 9 juin 1998).

Pour la Cour, il est fondamental, dans une société démocratique, de défendre le libre jeu du débat politique, qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique (Almeida Azevedo c. Portugal, no 43924/02, 23 janvier 2007; CEDH, Feldek c. Slovaquie, no 29032/95).

Si tout individu qui s’engage dans un débat public d’intérêt général est certes tenu de ne pas dépasser certaines limites quant au respect – notamment – des droits d’autrui, il lui est également permis de recourir à une certaine dose d’exagération, voire de provocation, c’est-à-dire d’être quelque peu immodéré dans ses propos (Mamère c. France, no 12697/03).

Petit Besson ne deviendra pas grand

Au lieu de s’engager dans ce débat, perdu d’avance pour notre héros en mal d’identité, Besson est allé saisir un truc, le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) de lui indiquer « dans les meilleurs délais possibles quelles actions peuvent être entreprises afin que ce site Internet ne soit plus hébergé en France ». Preuve est ainsi rapportée qu’au ministère, il n’y a plus un seul cerveau disponible pour réfléchir un peu.

Si le contenu est illicite, il suffit d’un avertissement à l’hébergeur que semble être OVH, installé à Roubaix, et si l’hébergeur n’obtempère pas, notamment car il estime que les textes publiés s’inscrivent dans le cadre protégé par l’article 10, toute personne intéressée peut saisir le tribunal de grande instance, selon les procédures d’urgence, dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004. Il y a débat, et le juge tranche.

Débat ? C’est justement ce dont ne veut pas Anastasie Besson. Quelque chose à cacher ?

Source : http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2010/12/04/wikileaks-la-censure-tranquille.html