Le Comité contre la torture des Nations-Unies vient de rendre ses observations finales. La sévérité des appréciations formulées sur la situation carcérale française marque un désaveu cinglant de la politique pénitentiaire mise en oeuvre depuis le dernier examen (2005) et consacrée par la loi du 24 novembre 2009. Les autorités françaises avaient déclaré que leur politique serait « exemplaire » en matière de droits de l’homme. Il leur appartient de se conformer sans délais aux engagements internationaux de la France, en s’abstenant notamment de mettre en oeuvre les dispositions de la loi pénitentiaire qui apparaissent contraires au droit international. L’OIP demande en conséquence que le processus d’élaboration des décrets d’application de la loi, actuellement en cours d’examen par le Conseil d’Etat, soit interrompu pour prendre pleinement en compte les observations du Comité contre la torture.

Voici les principales observations concernant le champ carcéral :

1) En premier lieu, le Comité contre la torture demande au gouvernement de « considérer l’abrogation » de la rétention de sûreté, qui permet l’enfermement illimité des condamnés à de lourdes peines à l’issue de l’exécution de celles-ci. « Outre la remise en cause flagrante du principe de légalité pénale » la mesure est également « de nature à soulever des questions » au titre de l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, considère le Comité (§29). Plus globalement, ce dernier invite notre pays « à entreprendre une réflexion importante sur les effets de sa politique pénale récente sur la surpopulation carcérale », notant que le « recours accru à la détention » est le « corollaire direct » des « nombreuses lois pénales récentes, visant un durcissement des peines et une

diminution de la récidive ». Il enjoint à la France « d’envisager un recours plus important à la substitution de peines non-privatives de liberté aux peines d’emprisonnement encourues en l’état actuel » (§24).

2) Le Comité remet fondamentalement en cause le choix du gouvernement d’instaurer des régimes de détention différenciés, relevant notamment que le système entériné par la loi pénitentiaire « emporte nécessairement des conséquences pouvant relever de l’arbitraire dans les conditions d’exécution de la peine. Il est ainsi possible d’imaginer qu’un traitement punitif disciplinaire, ou des privations d’accès à certains droits en détention, pourraient, par leur répétition, leur absence de justification, et/ou la façon arbitraire dont ils sont dispensés constituer des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (§27). Ce faisant, le Comité rejoint les diverses instances nationales et internationales qui ont d’ores-et-déjà eu à connaître de ce système, qui constitue l’axe central de la réforme des prisons engagée par l’administration pénitentiaire. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont déjà dénoncé l’arbitraire ménagé au profit des services pénitentiaires par ce système et ses effets ségrégatifs.

3) La France est à nouveau fermement blâmée à raison du régime des fouilles corporelles intégrales des personnes détenues. Le Comité demande la mise en place de mesures de détection par équipement électronique « de façon à supprimer totalement la pratique des fouilles corporelles ». Dans l’immédiat, il demande « un strict contrôle de l’application du régime des fouilles corporelles, a fortiori les fouilles intégrales et internes, en veillant à ce que seules les méthodes les moins intrusives, et les plus respectueuses de l’intégrité physique des personnes soient appliquées » (§28).

4) S’agissant de l’introduction des pistolets à impulsion électrique en détention (appelés Taser), le Comité met le gouvernement en garde sur le fait que l’utilisation d’un tel matériel pourrait caractériser une « torture » et relève en outre « un manque d’information précise quant aux modalités précises de son utilisation » (§30).

5) Le Comité se déclare vivement préoccupé par « le nombre de décès par suicide en milieu carcéral » et par le fait que « plus de 15% des personnes détenues qui ont mis fin à leurs jours en 2009 subissaient une sanction en quartier disciplinaire ». Il demande en outre que l’isolement demeure une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, en accord avec les normes internationales (§26).

6) Le Comité demeure particulièrement préoccupé face à la persistance d’allégations qu’il a reçues au sujet de cas de « mauvais traitements qui auraient été infligés par des agents » à des détenus et à d’autres personnes entre leurs mains. Il demande que « chaque allégation de mauvais traitementsimputable à des agents de l’ordre fasse promptement l’objet d’une enquête transparente et indépendante » (§§21/31/32). Il demande en outre des informations sur les suites concrètes données aux travaux du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

7) A cet égard, le Comité a aussi exprimé ses craintes sur les conséquences de la création d’un « Défenseur des droits » et notamment sur la perspective que puissent disparaître les autres instances de protection des droits de l’homme en intégrant cette nouvelle institution. Il invite la France à assurer le fonctionnement effectif et non-interrompu du Contrôleur général, mais aussi des autres instances indépendantes complémentaires (Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité) « qui, outre leur rôle de médiation, assurent une fonction essentielle de contrôle du respect des droits, et veillent ainsi au respect de l’application de la Convention, avec chacune une expertise particulière » (§34).

Pour lire les recommandations du Comité contre la torture de l’ONU, rendues publiques le 14 mai 2010, dans le cadre de l’examen du rapport périodique de la France au titre de sa mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, cliquez ici.

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